Le brigandage dans les Basses-Alpes - M.J. MAUREL
Particulièrement depuis l'an VI jusqu'à l'an X

Etude d'histoire contemporaine
précédée d'une introduction sur l'état des esprits dans le département des Basses-Alpes, depuis 1789 jusqu'à l'an VI.
M.J. MAUREL, 1899
Marseille - Librairie P. Ruat; 54, rue Paradis

Chapitre IV, pages 281-284
Arrestation de huit voyageurs à St-Symphorien, 11 brumaire


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Les mesures répressives édictées par le préfet, à la date du 20 vendémiaire an IX, la mise en réquisition permanente des gardes nationales dans les arrondissements de Digne, Forcalquier, Sisteron, le redoublement de vigilance de la part des autorités locales, etc., eurent pour effet de refouler dans leurs départements les bandes exotiques, qui, durant deux mois environ, ne reparurent plus dans nos contrées.
 Mais la bande dite d'Oraison ne s'accomodait pas de cette inaction. Le brigandage était devenu , en effet, pour la plupart de ces soldats du crime, une sorte de fatale nécessité. Ne pouvant plus opérer à l'aise dans leurs quartiers sillonés en tout sens par des patrouilles, cinq des plus déterminés de la bande décident de changer un peu le champ de leurs opérations, et vont se poster sur un point où il leur serait d'autant plus facile de travailler avec sécurité, que le brigandage n'y avait pas fait encore son apparition.
 La foire de Sisteron approchait. Le 10 brumaire, les cinq bandits en question1 se rendent à Vilhosc, petit village à sept kilomètres nord-est de Sisteron, prennent logement dans l'auberge du sieur Hermitte, et, tout en faisant la partie aux cartes, prennent des informations sur le passage probable de tels ou tels voyageurs. Le lendemain matin, onze brumaire, veille de la foire2, ils partent, armés de fusils et de


1 Leurs noms sont dans la procédure spéciale instruite sur cette arrestation.
2 Elle eut lieu, cette année-là, le lundi après la Toussaint qui était le 3 novembre.

poignards et vont se poster sur le col, au bord du chemin de Digne à Sisteron, à une faible distance du village de St-Symphorien. Ils n'eurent pas à attendre longtemps la proie qu'ils guettaient. Bientôt paraît une caravane composée de dix voyageurs1. Ils leur crient de s'arrêter et les couchent en joue. Trois parviennent à se sauver en rebroussant chemain; les sept autres furent dépouillés de leur argent, de leurs manteaux, etc., mais eurent la vie sauve.
 L'opération terminée, les bandits traversent les collines accidentées de St-Symphorien, de Beaudument, de Sourribes, passent par-dessus Volonne, toujours à travers des coteaux et des ravins, et viennent souper à la bastide C..., terroir de l'Escale. Puis, reprenant leur marche, on dirait mieux, leur course, ils viennent, la même nuit, faire le partage du butin, et jouer une partie de l'argent volé dans la maison de R..., à Entrevennes. La rapidité de cette longue marche, faite pendant la nuit et hors
1 Ces voyageurs étaient : Sauve Joseph; Meynier Joseph, dit Callot; Saturnin Sicart, officier de santé à Courbons; Jean-Baptiste Martin, dit Gendron; Gabriel Reynaud et Ambroise Julien, tous de Courbons; Sivan fils, de Digne; plus trois autres dont nous ne possédons pas les noms et qui ne figurent pas dans la procédure parce qu'ils se sauvèrent et ne purent être dépouillés.

des sentiers battus, nous explique très bien comment la force armée, qui se porta dès le lendemain sur le théatre du délit, ne put appréhender aucun de ceux qui l'avaient commis, ni même parvenir à connaître la direction suivie par les bandits.
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NB: le texte est reproduit ici tel quel.