Un épisode des guerres de religion à Vilhosc en 1586

Histoire des guerres de religion en Provence

Dr Gustave LAMBERT, 1870, Toulon

Chapitre VI - De Vins, chef de la ligue, 1584-1586
Un fait d'armes huguenot dans les parages de Vilhosc en 1586
Retraite des huguenots de Castellane sur Seyne (extrait)


L'action se situe en 1586.
Le baron d'Allemagne, le duc de Lesdiguières et d'autres capitaines huguenots, venaient de lever le siège, infructueux, contre la ville de Castellane.
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"Les religionnaires remontèrent vers la Durance. Ils prirent par Barrême, Mezel et Volonne; là, ils se séparèrent. Le baron d'Allemagne suivit la route de Seyne par Sourribes, Vilosc et Saint-Geniez; Lesdiguières marcha droit à Sisteron, pour opérer une diversion pendant que les Provençaux passeraient à quelques lieues seulement de la place. Les Dauphinois parurent, en effet, devant Sisteron et tinrent la garnison en haleine pendant tout un jour; mais d'Allemagne ayant été arrêté à Volonne plus longtemps qu'il ne l'avait prévu, par la mutinerie de quelques soldats, n'arriva que vingt-quatre heures après dans les environs de Sourribes. Ce retard fut sur le point de le perdre. Sa présence ayant été signalée à Sisteron, le capitaine Blaise d'Estaignon sortit avec une soixantaine d'habitants et six soldats corses, et surprit le baron montant à pied une côte rapide, n'ayant autour de lui que cinq ou six maîtres avec leurs valets, et quelques soldats qui portaient Du Colet sur un brancard (1).
Les huguenots avaient commis une grande faute en ne se concentrant pas pour effectuer ce passage, et si Peyrolles, qui commandait la garnison de Sisteron, ne s'était pas opposé, par excès de prudence, à la sortir de quelques compagnies qu'il avait sous ses ordres, ils couraient, sur ce terrain montagneux, très accidenté et partant très favorable aux embuscades, le danger d'être écrasés isolément. Au moment où les catholiques parurent, l'avant-garde était déjà logée à Saint-Geniez; La Bréole, qui commandait le corps de bataille, venait d'arriver à Vilosc, où il s'était arrêté pour attendre le baron, et Arnaud, avec trente cavaliers formant l'arrière-garde, était encore dans la plaine. Blaise d'Estaignon ne sut pas profiter de la situation. Au lieu d'attaquer le petit groupe de religionnaires avec ensemble et résolution, il laissa ses hommes s'éparpiller dans la montagne et agir chacun pour son propre compte. Ceux-ci, trop préoccupés de leur sûreté, se contentèrent d'arquebuser de loin les huguenots, sans se montrer à découvert; un soldat corse eut seul le courage téméraire de se jeter au devant du baron d'Allemagne et de l'ajuster; mais le coup ayant manqué, le baron lui fendit la tête d'un coup d'épée. Les huguenots surpris par cette agression soudaine ne se laissèrent pas effrayer; ils déposèrent le brancard sur lequel était couché Du Colet à l'abri d'une muraille de rochers, et firent sonner à l'étendard pour avoir du secours. l'écho apporta à Arnaud l'appel de ses coreligionnaires en même temps que le bruit des arquebusades. Il venait d'arriver au pied de la montagne et s'était déjà engagé dans le sentier, assez étroit pour ne donner passage qu'à un cheval. Il partit au galop et arriva auprès du baron d'Allemagne après une course furieuse à travers des obstacles réputés infranchissables, et ayant fait mettre pied à terre à ses trente hommes, il prit l'offensive et se lança à la recherche des ennemis. Les catholiques ne tinrent pas longtemps; ils gagnèrent le haut de la montagne, mais en arrivant sur la crête, ils vinrent se heurter à La Bréole qui, inquiet de ne pas voir paraître l'arrière-garde, avait quitté Vilosc pour venir à sa rencontre. Blaise d'Estaignon prit la fuite suivi de ses compagnons, lesquels "bien qu'honnestes hommes, si ne firent-ils jouer que les talons". La nuit qui se faisait toute sombre et chargée d'orages les sauva; ils rentrèrent à Sisteron ayant perdu cinq hommes dans cette folle aventure qui, bien conduite et bien dirigée auroit pu couter la vie au général des églises de Provence. D'Allemagne avait le projet de s'arrêter pendant quelques jours à Saint-Geniez, mais il continua sa route jusqu'à la Motte, et de là se dirigea sur Seyne."
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(1) Du Colet n'avait pas fait l'expédition de Castellane; mais en passant près du château d'Espinouse, où il était resté en attendant la guérison de sa blessure, le baron d'Allemagne lui avait fait proposer de le ramener à Seyne, ce que Du Colet avait accepté avec empressement, quoiqu'il fut encore fort souffrant.


L'intégralité de l'ouvrage est très intéressant. ... Et hélas encore instructif pour notre propre temps.