Entrepierres: Le pont de la reine Jeanne
(Philippe NUCHO, "Le roman d'Entrepierres", éd. sud-est lumières, 1992).
Le pont de la reine Jeanne fut construit au XVI° siècle dans le lit du Vançon,
au pied des gorges de Charenches.
Il succéda à un vieux pont qui constituait une draille pour le passage des
animaux (1).
Dans une solitude totale, ce pont d'une seule arche saute hardiment le torrent
impétueux.
Le pont possède un tablier en pierres franchement relevé en son milieu en dos d'âne.
Les claveaux sont extradossés afin de conserver leur élasticité.
Il est très étroit: 2 mètres 5 centimètres de large pour une longueur de 35 mètres.
L'ouverture de l'arche mesure 22 mètres et la hauteur sous clé est de 12,50 mètres.
Cet ouvrage a été restauré par les services de l'équipement en 1976.
L'histoire de ce pont médiéval est étroitement mêlée à l'histoire de celle qui,
selon la légende, participa financièrement à sa construction (2).
La reine Jeanne est née à Naples en 1326.
Elle fut reine de Sicile et de Provence de 1343 à 1382.
Elle se maria quatre fois.
Lors de ses premières noces, elle épousa André de Hongrie vers l'an 1343,
ce fut un mariage d'intérêt.
La reine Jeanne refuse d'en faire son légataire et l'aurait fait assassiner en 1345.
Puis elle se remaria avec Louis de Tarente,
son beau cousin,
dont on dit qu'il fut le grand amour de sa vie.
Après que ce dernier fut mort de la peste en 1362,
elle épousa Jacques III de Majorque l'année d'après.
Celui-ci n'eut pas plus de chance que les deux autres puisque l'on sait qu'il
fut incarcéré de 1367 à 1371 et qu'il mourut en 1375.
Elle convola alors en quatrième noce.
Comme on le voit, la reine Jeanne avait un tempérament comparable à celui du
volcan de sa ville de naissance et cette affirmation trouve sa confirmation dans
la légende qui est rapportée à Saint-Symphorien, Vilhosc, Salignac.
Durant les 40 années de son règne,
la reine Jeanne ne vint en Provence que deux fois.
Elle fut une reine clémente, souvent à cours d'argent,
ce qui l'ammenait à céder ses droits petit à petit, à des conditions avantageuses.
Elle vint en Provence en 1379 afin de raffermir son autorité chancelante.
Pourchassée par Louis de Hongrie depuis l'assassinat de son premier mari,
ses intérêts vinrent à se confondre avec ceux des habitants de Saint-Symphorien.
En effet, séjournant au château seigneurial de Salignac (3),
la reine Jeanne y accoucha d'un fils illégitime.
Cette tradition de la naissance d'un enfant est confirmée par de Laplane qui
découvre l'acte de naissance lors de ses recherches sur l'histoire de Sisteron (4).
La reine cacha cet enfant au village retiré de Saint-Symphorien et acheta la
discrétion des habitants en les déchargeant du droit d'albergue et de cavalcade
et en répondant favorablement à la demande des consuls pour la construction
d'un pont.
La reine Jeanne mourut de mort violente en 1382 assassinée par son cousin et
héritier Charles d'Anjou,
sans jamais revoir son fils dont la légende ne rapporte pas l'histoire (5).
A plusieurs reprises au cours des siècles, le pont se trouve en ruine.
Régulièrement, la communauté de Saint-Symphorien vend des biens communaux
afin de procéder à sa réparation ou organise des corvées auxquelles certains
habitants doivent participer (6).
Il fut classé monument historique en 1977.
(1) selon rapport de classement DRAC
(2) op. cit.
(3) selon une enquête paroissiale de 1849,
le curé de Salignac rapporte cette tradition.
(4) De Laplane "histoire de Sisteron" - Lafitte 18
(5) selon les témoignages recueillis auprès des familles Clément et Julien de
Vilhosc en 1978.
(6) nombreuses délibérations de communauté à ce sujet.
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L'avant-bec coté Saint-Symphorien était encore visible dans les années 1970 comme le montre cette photo prise à cette période. |
DEALAT ion P BONNET SMDans son ouvrage "Pierres assises, pierres mouvantes" (par ailleurs excellent), en parlant du pont, Mme Magnaudeix écrit page 46 "Le socle d'une croix de mission borne d'ailleurs son parapet en rive gauche."
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